
Maintenant que l’emploi repart, et que les prix de l’énergie flambent, le pouvoir d’achat reprend la première place dans les préoccupations des citoyens-électeurs.
Pour évaluer correctement le Pouvoir d’Achat ressenti, il suffit de pondérer les variations de chacune des classes par leur poids démographique : 20% pour les pauvres, 70% pour les classes moyennes, 10% pour les riches, très riches et ultra-riches. De 1997 à 2009, la France avait fait beaucoup mieux que l’Allemagne et les États-Unis. Mais de 2009 à 2019, la France a connu une décennie de stagnation.
Pour éviter un effondrement du pouvoir d’achat en 2020 et 2021, les gouvernements ont multiplié les aides publiques aux ménages et aux entreprises, financées par un endettement auprès des banques centrales. En deux ans, les titres détenus par la FED et la BCE sont passés de 10% du PIB à 42%.
Dans le même temps, la capitalisation boursière des cinq GAFAM a presque décuplé, pour atteindre 7350 milliards, soit 49% du PIB fin 2021. La croissance annuelle s’est spectaculairement accélérée à partir de 2019, quand les investisseurs ont commencé à parier sur une longue période de distribution massive d’argent gratuit par la FED. De 2010 à 2018, la croissance annuelle moyenne avait été de 19%. Elle a doublé (38%) pour les trois années 2019 à 2021. En additionnant distributions et plus-values, la rentabilité globale des GAFAM était en moyenne annuelle de 21,7% de 2011 à 2018. Elle a bondi à 41,2% pour la période 2019-2021.
Ce sont des milliers de milliards dollars ou d’euros dont les États-Unis et l’Union Européenne ont besoin pour financer la reprise et la transition climatique. Il faut donc trouver le moyen de «faire payer rétroactivement les ultra-riches» par un prélèvement sur les milliers de milliards accumulés dans les portefeuilles de leurs actionnaires grâce aux évasions fiscales et à l’emballement des bourses.
Je suggère, pour traiter «en même temps» la fragilisation des banques centrales, un mécanisme très simple (dans son principe), consistant à «diluer» les actionnaires actuels. Un compromis raisonnable serait un prélèvement de 4000 mds EMM, permettant une rentabilité annuelle moyenne de PIB +10%.
- Pour que les pays en développement reçoivent plus de quelques miettes, il faut faire intervenir la taille relative des besoins, c’est-à-dire du PIB. Et parler de Contribution de solidarité des ultra-riches à la lutte contre les inégalités de patrimoine. La contribution est à repartir en trois tiers : un gros (1050 mds EMM) pour les États-Unis, un petit (950 mds EMM) pour l’Union Européenne, le solde pour les autres pays développés (600 mds EMM) et les pays en développement (450 mds EMM)
- La seconde étape est la plus délicate : «convaincre » les conseils d’administration des cinq sociétés de lancer des augmentations de capital massives réservées aux seules FED, BCE, et à un intermédiaire financier de grand standing, je pense au FMI, représentant les pays autres qu’États-Unis et zone euro. Belles discussions à prévoir avec les actionnaires pour les convaincre qu’ils éviteraient ainsi des évolutions bien pires, allant jusqu’à des poursuites anti-trust conduisant au démembrement.
- Troisième étape : les entreprises taxées utilisent ces fonds pour verser leurs contributions aux états participants, 1050 mds EMM au Trésor américain, 950 mds EMM à la commission européenne pour l’Europe. Et la commission se chargera de répartir la contribution entre les états membre, ce qui la rendra fort populaire. Le FMI perçoit 1050 mds EMM destinés aux autres pays, et s’efforce de les répartir.
- Quatrième étape : les États participants remboursent par anticipation à la FED et à la BCE une part significative (respectivement 1050 et 950 mds EMM) de leurs «emprunts Covid ».
À la fin de ces opérations, les banques centrales remplacent des prêts à des états qui risquent de faire faillite, par des participations dans le gratin des entreprises multinationales mondiales. Nouvelle ère pour garantir la solidité du système financier mondial. Ces opérations sont financièrement neutres pour les GAFAM.
Une fois plafonnés leurs profits et devenus ainsi des soutiens exemplaires de l’économie réelle, la principale menace de poursuites anti-trust et de démembrement disparaît.
Ce sont en définitive les actionnaires de ces dernières dont les patrimoines sont ponctionnés, l’indispensable justice fiscale et sociale est obtenue.
ÉLARGISSEMENT DU CHAMP D’APPLICATION AUX GRANDES MULTINATIONALES
Il serait dommage, injuste et d’ailleurs juridiquement délicat, de limiter une réforme aussi nécessaire aux seules GAFAM. Il faut l’étendre au moins à la centaine d’entreprises multinationales retenues par l’OCDE dans ce qu’elle appelle le «premier pilier », celles réalisant au moins 750 mds d’euro de chiffre d’affaires. Même en n’ajoutant que quelques dizaines de groupes supplémentaires, on porte la capitalisation fin 2021 des participants à la réforme à 11000 à 12000 mds EMM, pouvant supporter une «Contribution de solidarité des ultra-riches à la lutte contre les inégalités de patrimoine » allant jusqu’à 6000 mds EMM. On approche ainsi d’un petit tiers du coût mondial de la crise sanitaire.